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générations de notre famille le nourrir et le panser, et il vivra pour en voir quatre.

— Il a peur de moi aussi ! — disait Petit Toomai, en se dressant de toute sa hauteur, quatre pieds, sans autre vêtement qu’un lambeau d’étoffe.

Il avait dix ans ; c’était le fils aîné de Grand Toomai, et, suivant la coutume, il prendrait la place de son père sur le cou de Kala Nag, lorsqu’il serait grand lui-même, et manierait le lourd ankus de fer, l’aiguillon des éléphants, que les mains de son père, de son grand-père et de son arrière-grand-père avaient poli. Il savait ce qu’il disait ; car il était né à l’ombre de Kala Nag, il avait joué avec le bout de sa trompe avant de savoir marcher, il l’avait fait descendre à l’eau dès qu’il avait su marcher, et Kala Nag n’aurait pas eu l’idée de désobéir à la petite voix perçante qui lui criait ses ordres, plus qu’il n’aurait eu l’idée de tuer le petit bébé brun, le jour où Grand Toomai l’apporta sous les défenses de Kala Nag, et lui ordonna de saluer celui qui serait son maître.

— Oui, dit Petit Toomai, il a peur de moi.

Et il marcha à longues enjambées vers Kala Nag, l’appela « vieux pourceau gras », et lui fit lever les pieds l’un après l’autre.