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presque hors de vue au-dessus de leur tête ; et ils savent que s’ils mouraient, ou si une vache mourait, ce vautour descendrait en balayant l’air, que le plus proche vautour, à des milles plus loin, le verrait tomber et suivrait, et ainsi de suite, de proche en proche, et qu’avant même qu’ils fussent morts il y aurait là une vingtaine de vautours affamés venus de nulle part. Tantôt ils dorment, veillent, se rendorment ; ils tressent de petits paniers d’herbe sèche et y mettent des sauterelles, ou attrapent deux mantes religieuses pour les faire battre ; ils enfilent en colliers des noix de jungle rouges et noires, guettent le lézard qui se chauffe sur la roche, ou le serpent à la poursuite d’une grenouille près des fondrières. Tantôt ils chantent de longues, longues chansons avec de bizarres trilles indigènes à la chute des phrases, et le jour leur semble plus long qu’à la plupart des hommes la vie entière ; parfois ils élèvent un château de boue avec des figurines d’hommes, de chevaux, de buffles, modelées en boue également, et placent des roseaux dans la main des hommes, et prétendent que ce sont des rois avec leurs armées, ou des dieux qu’il faut adorer. Puis, le soir vient, les enfants rassemblent les bêtes en criant, les buffles s’arrachent de