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dans les arbres, ils ne redoutent personne parmi nous.

Bagheera lécha une de ses pattes de devant, pensivement.

— Vieux fou que je suis ! Lourdaud à poil brun, gros fouilleur de racines, dit Baloo, en se déroulant brusquement ; c’est vrai ce que dit Hathi, l’Éléphant Sauvage : À chacun sa crainte. Et eux, les Bandar-log, craignent Kaa, le Serpent de Rocher. Il grimpe aussi bien qu’eux. Il vole les jeunes singes dans la nuit. Le murmure seul de son nom les glace jusqu’au bout de leurs méchantes queues. Allons trouver Kaa.

— Que fera-t-il pour nous ? Il n’est pas de notre race, puisqu’il est sans pieds, et — il a les yeux les plus funestes, dit Bagheera.

— Il est aussi vieux que rusé. Par-dessus tout, il a toujours faim, dit Baloo plein d’espoir. Promets-lui beaucoup de chèvres.

— Il dort un mois plein après chaque repas. Il se peut qu’il dorme maintenant, et, fût-il éveillé, qu’il préférerait peut-être tuer lui-même ses chèvres.

Bagheera, qui ne savait pas grand’chose de Kaa, se méfiait comme il sied.

— En ce cas, à nous deux, vieux chasseur, nous pourrions lui faire entendre raison.

Là-dessus, Baloo frotta le pelage roussi de sa brune épaule contre la Panthère, et ils partirent ensemble à la recherche de Kaa, le Python de Rocher.

Ils le trouvèrent étendu sur une saillie de roc que chauffait le soleil de midi, en train d’admirer la magnificence de son habit neuf, car il venait de consacrer dix jours de retraite