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toutes sortes d’instincts et s’amusait souvent à fabriquer de petites huttes à l’aide de branches tombées, sans savoir pourquoi ; et le Peuple Singe, guettant dans les arbres, considérait ce jeu comme la chose la plus surprenante. Cette fois, disaient-ils, ils allaient réellement avoir un chef et devenir le peuple le plus sage de la Jungle — si sage qu’ils seraient pour tous les autres un objet de remarque et d’envie. Aussi suivirent-ils Baloo, Bagheera et Mowgli à travers la jungle, fort silencieusement, jusqu’à ce que vînt l’heure de la sieste de midi. Alors Mowgli, très grandement honteux de lui-même, s’endormit entre la Panthère et l’Ours, résolu à n’avoir plus rien de commun avec le Peuple Singe.

La première chose qu’il se rappela ensuite, ce fut une sensation de mains sur ses jambes et ses bras — de petites mains dures et fortes — puis, de branches lui fouettant le visage ; et son regard plongeait à travers l’agitation des ramures, tandis que Baloo éveillait la jungle de ses cris profonds, et que Bagheera bondissait le long de l’arbre, tous ses crocs à nu. Les Bandar-log hurlaient de triomphe et luttaient à qui atteindrait le plus vite les branches supérieures où Bagheera n’oserait les suivre, criant :

— Ils nous ont remarqués ! Bagheera nous a remarqués ! Tout le peuple de la jungle nous admire pour notre adresse et notre ruse !

Alors, commença leur fuite ; et la fuite du Peuple Singe au travers de la patrie des arbres est une chose que personne ne décrira jamais. Ils y ont leurs routes régulières et leurs chemins de traverse, des côtes et des descentes,