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gardé la Loi de la Jungle, et il n’y a pas un de nos loups des pattes duquel je n’aie tiré une épine. Ils sont bien mes frères !

Bagheera s’étendit de toute sa longueur et ferma les yeux à demi.

— Petit Frère, mets ta main sous ma mâchoire.

Mowgli avança sa forte main brune, et, juste sous le menton soyeux de Bagheera, où les formidables muscles roulaient dissimulés dans la fourrure lustrée, il sentit une petite place nue.

— Il n’y a personne dans la jungle qui sache que moi, Bagheera, je porte cette marque — la marque du collier ; et pourtant, Petit Frère, je naquis parmi les hommes, et c’est parmi les hommes que ma mère mourut, dans les cages du Palais Royal, à Oodeypore. C’est à cause de cela que j’ai payé le prix au Conseil, quand tu étais un pauvre petit tout nu. Oui, moi aussi, je naquis parmi les hommes. Je n’avais jamais vu la jungle. On me nourrissait derrière des barreaux dans une marmite de fer ; mais une nuit je sentis que j’étais Bagheera — la Panthère — et non pas un jouet pour les hommes ; je brisai la misérable serrure d’un coup de patte, et m’en allai. Puis, comme j’avais appris les manières des hommes, je devins plus terrible dans la jungle que Shere Khan, n’est-il pas vrai ?

— Oui, dit Mowgli, toute la jungle craint Bagheera — toute la Jungle, sauf Mowgli.

— Oh ! toi, tu es un petit d’homme ! dit la Panthère Noire avec une infinie tendresse ; et de même que je suis