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à un demi-mille d’ici à peine, si vous acceptez le petit d’homme conformément à la Loi. Y a-t-il une difficulté ?

Il s’éleva une clameur de voix mêlées, parlant ensemble :

— Qu’importe ! Il mourra sous les pluies de l’hiver ; il sera grillé par le soleil. Quel mal peut nous faire une grenouille nue ? Qu’il coure avec le Clan ! Où est le taureau, Bagheera ? Nous acceptons.

Et alors revint l’aboi profond d’Akela.

— Regardez bien — regardez bien, ô Loups !

Mowgli continuait à s’intéresser aux cailloux ; il ne daigna prêter aucune attention aux loups qui vinrent un à un l’examiner.

À la fin, ils descendirent tous la colline, à la recherche du taureau mort, et seuls restèrent Akela, Bagheera, Baloo et les loups de Mowgli.

Shere Khan rugissait encore dans la nuit, car il était fort en colère que Mowgli ne lui eût pas été livré.

— Oui, tu peux rugir, dit Bagheera dans ses moustaches ; car le temps viendra où cette petite chose nue te fera rugir sur un autre ton, ou je ne sais rien de l’homme.

— Nous avons bien fait, dit Akela : les hommes et leurs petits sont gens très avisés. Le moment venu, il pourra se rendre utile.

— C’est vrai, dit Bagheera ; le moment venu, qui sait ? on aura besoin de lui : car personne ne peut compter mener le Clan toujours !

Akela ne répondit rien. Il pensait au temps qui vient pour chaque chef de Clan, où sa force l’abandonne et où, plus affaibli de jour en jour, il est tué à la fin par les