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Baloo a parlé, et c’est lui qui enseigne nos petits. Qui parle avec Baloo ?

Une ombre tomba au milieu du cercle. C’était Bagheera, la Panthère Noire. Sa robe est tout entière noire comme l’encre, mais les marques de la panthère y affleurent, sous certains jours, comme font les reflets de la moire. Chacun connaissait Bagheera, et personne ne se souciait d’aller à l’encontre de ses desseins, car Tabaqui est moins rusé, le buffle sauvage moins téméraire, et moins redoutable l’éléphant blessé. Mais sa voix était plus suave que le miel agreste, qui tombe goutte à goutte des arbres, et sa peau plus douce que le duvet.

— Ô Akela, et vous, Peuple Libre, ronronna sa voix persuasive, je n’ai nul droit dans votre assemblée. Mais la Loi de la Jungle dit que, s’il s’élève un doute dans une affaire, en dehors d’une question de meurtre, à propos d’un nouveau petit, la vie de ce petit peut être rachetée moyennant un prix. Et la Loi ne dit pas qui a droit ou non de payer ce prix. Ai-je raison ?

— Très bien ! très bien ! firent les jeunes loups, qui ont toujours faim. Écoutons Bagheera. Le petit peut être racheté. C’est la Loi.

— Sachant que je n’ai nul droit de parler ici, je demande votre assentiment.

— Parle donc, crièrent vingt voix.

— Tuer un petit nu est une honte. En outre, il pourra nous aider à chasser mieux quand il sera grand. Baloo a parlé en sa faveur. Maintenant, aux paroles de Baloo, j’ajouterai l’offre d’un taureau, d’un taureau gras, fraîchement tué,