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sentiments d’Ormonde si un cheval d’omnibus le traitait de carcan et vous pouvez vous figurer ce que ressentit le cheval australien. Je vis le blanc de ses yeux étinceler dans l’obscurité.

— Dites donc, fils de baudet d’importation malagais, fit-il en serrant les dents, je vous apprendrai que je suis apparenté, du côté de ma mère, à Carbine, le vainqueur de la Coupe de Melbourne, et nous ne sommes pas habitués, dans mon pays, à nous laisser passer sur le ventre par un mulet à langue de perroquet et à tête de cochon dans une batterie de pétardières et de chassepots. Êtes-vous prêt ?

— Debout, sur les jambes de derrière ! brailla Billy.

Tous deux se cabrèrent face à face et je m’attendais à un furieux combat, lorsqu’une voix gargouillante et qui roulait sourdement sortit de l’obscurité à droite.

— Enfants, qu’avez-vous à vous battre ? Calmez-vous.

Les deux bêtes retombèrent en renâclant de dégoût, car cheval ni mulet ne peuvent souffrir la voix de l’éléphant.

— C’est Double-Queue ! dit le cheval de troupe. Je ne peux pas le supporter. Une queue à chaque bout, c’est trop.

— Exactement mon avis, dit Billy, en se pressant contre le cheval pour se rassurer. On a des points communs.

— Nous tenons ça de nos mères, dit le cheval de troupe. À quoi bon se chamailler pour si peu ! Eh ! Double-Queue, êtes-vous attaché ?

— Oui, répondit Double-Queue, dont le rire roula tout le long de sa trompe. Je suis au piquet pour la nuit. J’ai entendu ce que vous disiez, vous autres. Mais n’ayez pas peur, je reste où je suis.