poisson par jour pour se tenir en condition. Il les chassa jusqu’à ce qu’il fût las, puis il se mit en rond et s’endormit dans le creux de la houle qui bat Copper Island. Il connaissait parfaitement la côte, de sorte que, vers minuit, en heurtant doucement un lit de varech, il dit :
— Hum, il y a grosse marée, ce soir !
Se retournant sous l’eau, il ouvrit lentement les yeux et s’étira. Puis il sauta comme un chat, en apercevant d’énormes choses qui musaient dans l’eau des hauts-fonds et broutaient les lourdes franges des varechs.
— Par les Grands Brisants de Magellan, dit-il dans sa moustache, qui donc, de toute la mer profonde, sont ces gens-là ?
Ils ne ressemblaient à rien, morse, lion de mer, phoque, ours, baleine, requin, poisson, pieuvre ou coquillage, que Kotick eût jamais vu auparavant. Ils avaient de vingt à trente pieds de long, pas de nageoires postérieures, mais une queue en forme de pelle qui paraissait taillée dans du cuir mouillé. Leurs têtes étaient les plus ridicules choses qu’on pût voir, et ils se balançaient sur le bout de leurs queues en eau profonde lorsqu’ils ne paissaient pas, se saluant solennellement les uns les autres, et agitant leurs nageoires de devant comme un gros homme agite des bras trop courts.
— Ahem ! dit Kotick. Bon plaisir, messieurs !
Les grosses créatures répondirent en dodelinant et en agitant leurs nageoires comme le Frog-Foot-man[1].
- ↑ Personnage de Alice in Wonderland, livre humoristique très populaire en Angleterre. Il s’agit d’un valet de pied qui salue toujours et ne répond jamais.