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quelques jeunes pâtres emmenaient le bétail et les buffles de bonne heure le matin, et les ramenaient à la nuit tombante ; et les mêmes bestiaux qui fouleraient à mort un homme blanc se laissent battre, bousculer et ahurir par des enfants dont la tête arrive à peine à la hauteur de leur museau. Tant que les enfants restent avec les troupeaux, ils sont en sûreté, car le tigre lui-même n’ose charger le bétail en nombre ; mais, s’ils s’écartent pour cueillir des fleurs ou courir après les lézards, il leur arrive d’être enlevés. Mowgli descendit la rue du village au point du jour, assis sur le dos de Rama, le grand taureau du troupeau ; et les buffles bleu ardoise, avec leurs longues cornes traînantes et leurs yeux hagards, se levèrent de leurs étables, un par un, et le suivirent ; et Mowgli, aux enfants qui l’accompagnaient, fit voir très clairement qu’il était le maître. Il frappa les buffles avec un long bambou poli, et dit à Kamya, un des garçons, de laisser paître le bétail tandis qu’il allait en avant avec les buffles et de prendre bien garde à ne pas s’éloigner du troupeau.

Un pâturage indien est tout en rochers, en mottes, en trous et en petits ravins, parmi lesquels les troupeaux se dispersent et disparaissent. Les buffles aiment généralement les mares et les endroits vaseux, où ils se vautrent et se chauffent dans la boue chaude durant des heures. Mowgli les conduisit jusqu’à la lisière de la plaine, où la Waingunga sortait de la jungle ; là, il se laissa glisser du dos de Rama, et s’en alla trottant vers un bouquet de bambous où il trouva Frère Gris.

— Ah ! dit Frère Gris, je suis venu attendre ici bien