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— Ce que la jungle a pris, la jungle le rend. Emmène ce garçon chez toi, ma sœur, et n’oublie pas d’honorer le prêtre qui voit si loin dans la vie des hommes.

— Par le Taureau qui me racheta ! dit Mowgli en lui-même, du diable si, avec toutes ces paroles, on ne se croirait pas à un autre examen du Clan ! Allons, puisque je suis un homme, il faut me conduire en homme.

La foule se dispersa en même temps que la femme faisait signe à Mowgli de venir jusqu’à sa hutte, où il y avait un lit laqué de rouge, un large récipient à grains, en terre cuite, orné de curieux dessins en relief, une demi-douzaine de casseroles en cuivre, l’image d’un dieu hindou dans une petite niche, et, sur le mur, un vrai miroir, tel qu’il s’en trouve pour huit sous dans les foires de campagne.

Elle lui donna un grand verre de lait et du pain, puis elle lui posa la main sur la tête et le regarda au fond des yeux… Elle pensait que peut-être c’était là son fils, son fils revenu de la jungle où le tigre l’avait emporté. Aussi lui dit-elle :

— Nathoo, Nathoo !

Mowgli ne parut pas connaître ce nom.

— Ne te rappelles-tu pas le jour où je t’ai donné des souliers neufs ?

Elle toucha ses pieds, ils étaient presque aussi durs que de la corne.

— Non, fit-elle avec tristesse, ces pieds-là n’ont jamais porté de souliers ; mais tu ressembles tout à fait à mon Nathoo, et tu seras mon fils.