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Il n’est guère de pilote qui ne vous dise que son travail est beaucoup plus difficile qu’on ne l’imagine ; mais les Pilotes du Hugli savent qu’ils ont une centaine de milles du plus dangereux fleuve de la terre à leur courir entre les mains — le Hugli entre Calcutta et le Golfe du Bengale — et ils ne disent rien. Leur service est trié et tamisé avec autant de soin que le banc de la Cour Suprême, car un juge ne peut que pendre l’homme qu’il ne faut pas, ou faire passer une mauvaise loi ; tandis qu’un pilote négligent peut perdre un navire de dix mille tonnes équipage et chargement en moins de temps qu’il n’en faut pour battre en arrière.

Il y a fort peu de chances pour quoi que ce soit d’échapper une fois que le bateau touche dans le courant furieux du Hugli, chargé de toute la vase grasse des champs du Bengale, où les sondages varient de deux pieds entre les marées, et de nouveaux chenaux se font et défont en une saison de pluies. Les hommes ont livré bataille au Hugli pendant deux cents ans, tellement qu’aujourd’hui le fleuve possède un vaste édifice, avec départements du dessin, du cadastre et du télégraphe, consacré à son service privé,