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la plus belle histoire du monde

Puis je repassai la situation.

Évidemment, si je faisais usage de ma science, je restais seul et inégalable jusqu’à ce que tous les hommes fussent aussi instruits que moi-même. Ce serait quelque chose, mais, homme, j’étais ingrat. Il semblait d’une injustice amère que la mémoire de Charlie me fît défaut au moment où j’en avais le plus besoin. Puissances du ciel ! — je levais les yeux vers sa voûte, à travers brume et fumée, — les Maîtres de la Vie et de la Mort savaient-ils ce que cela signifiait pour moi. Rien moins qu’une gloire éternelle et du meilleur acabit, la gloire qu’un seul crée et qu’un seul partage. Je me serais contenté, — je me rappelai Clive et restai confondu de ma propre modération, — je me serais contenté du droit d’écrire une seule nouvelle, de parfaire une petite contribution à la littérature légère de l’époque. Que Charlie, pendant une heure — pendant soixante pauvres minutes — pût se remémorer sans contrainte des existences qui embrassaient une période de mille années —