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contes choisis

qu’un policeman m’aperçut et se dirigea vers moi.

Il ne restait qu’à encourager Charlie à causer, et cela ne souffrait aucune difficulté. Mais j’avais oublié ces maudits livres de poésie. Il me revint à plusieurs reprises, chaque fois plus inutile qu’un phonographe surchargé, — ivre de Byron, de Shelley ou de Keats. Instruit désormais de ce que ce garçon avait été au cours de ses vies passées, et tenant avec l’anxiété du désespoir à ne point perdre un mot de son babil, je ne pus lui cacher mon respect et mon intérêt. Il les interpréta tous deux en respect pour l’âme actuelle de Charlie Mears, à qui la vie apparaissait aussi neuve qu’aux yeux d’Adam lui-même, et en intérêt pour ses lectures. Alors il mit ma patience à bout en me récitant des vers, non plus maintenant les siens, mais ceux des autres. Je souhaitai voir tous les poètes d’Angleterre effacés dans la mémoire des hommes. Je blasphémai les plus grands noms de la lyre, parce qu’ils avaient entraîné Charlie hors du chemin