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la porte des cent mille peines

sans. La Memsahib a l’air très vieille à présent ; c’était, je pense, une jeune femme aux premiers jours de la Porte ; mais nous sommes tous vieux maintenant à ce compte-là de centaines et centaines d’années. C’est très difficile de garder la notion du temps, à la Porte, et, d’ailleurs, le temps n’a pas d’importance pour moi. Je touche mes soixante roupies régulièrement chaque mois l’un après l’autre. Il y a très, très longtemps, quand je gagnais trois cent cinquante roupies par mois, avec profits, dans une grande entreprise de bois, à Calcutta, j’avais une femme quelconque, mais elle est morte à l’heure qu’il est. On a dit que je l’ai tuée en me mettant à la Fumée Noire. Peut-être bien, mais il y a si longtemps que cela n’importe guère. Autrefois, les premiers jours où je venais à la Porte, j’avais de la peine en y pensant, mais tout cela est passé, fini depuis longtemps, et je touche mes soixante roupies toujours régulièrement, un mois après l’autre, et je suis tout à fait heureux. Non pas d’un bonheur d’ivrogne,