Page:Kipling - Contes Choisis, 1918.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
contes choisis

afin de constater si mes amis tiendraient parole ou si je les trouverais vautrés et ivres-morts.

Un mullah vêtu de bouts de rubans et de loques s’avança vers moi d’un pas délibéré. Il agitait gravement un moulinet d’enfant en papier. Son serviteur, derrière lui, pliait sous le poids d’une botte remplie de jouets de terre. L’un et l’autre s’occupaient de charger deux chameaux, et les hôtes du Serai les regardaient faire en se tordant de rire.

— Le mullah est fou, me dit un marchand de chevaux. Il va à Kaboul vendre des jouets à l’Amir. Il se fera élever aux honneurs ou couper la tête. Il est arrivé ici ce matin et, depuis lors, n’a pas cessé d’agir comme un fou.

— Les simples sont sous la protection de Dieu, bégaya en mauvais hindi un Uzbeg aux joues plates. Ils prédisent les choses de l’avenir.

— Il aurait bien dû me prédire que ma kafila se ferait hacher par les Shinwaris, presque à l’ombre de la Passe, grogna un homme de Eusufzai, agent d’une maison de commerce du