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l’homme qui voulut être roi

un courtisan, une courtisane ou une communauté allaient mourir, ou obtenir une nouvelle constitution, ou faire quelque chose d’important pour l’autre côté du monde, et le journal devait attendre l’imprimatur jusqu’à la dernière minute possible, afin d’attraper le télégramme. C’était une nuit d’encre, étouffante, une vraie nuit de juin, et le loo, le vent torride qui souffle de l’ouest, bramait dans l’amadou des branches en faisant semblant d’avoir une pluie sur les talons. Par intervalles, une goutte d’eau presque bouillante tachait la poussière avec un flop de grenouille aplatie ; mais, dans sa lassitude, notre univers savait bien que ce n’était que feinte. Il faisait une idée moins chaud dans l’atelier que dans le bureau, de sorte que je m’assis là parmi le cliquetis des machines, les huées des oiseaux de nuit aux fenêtres, les typos, à demi nus, qui épongeaient la sueur de leurs fronts et demandaient à boire. La chose qui nous faisait veiller, quelle qu’elle pût être, refusait d’arriver, quoique le loo fût tombé, le dernier caractère