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la plus belle histoire du monde

rester en ses mains incapables, alors que je pouvais en tirer un tel parti. Pas tout ce qu’on en eût pu tirer, certes ; mais tout de même, tant !

— Qu’en dites-vous ? demanda-t-il enfin. Je pense intituler cela : l’Histoire d’un navire.

— Je crois l’idée assez bonne ; mais vous ne seriez pas en mesure de la traiter d’ici bien longtemps. Maintenant, je…

— Pourrait-elle vous servir ? En avez-vous envie ? Je serais si fier, dit Charlie vivement.

Il y a en ce monde peu de choses plus douées que l’admiration naïve, ardente, excessive et franche d’un homme plus jeune. Une femme même, au plus aveugle de la passion, n’emboîte pas l’allure de l’homme qu’elle adore, ne porte pas son chapeau à l’angle du sien et n’entrelarde pas son langage de ses jurons favoris. Et Charlie faisait tout cela. Il n’en fallait pas moins sauvegarder ma conscience avant de faire main basse sur les idées de Charlie.