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la plus belle histoire du monde

d’une vierge. Charlie n’était jamais tombé amoureux, mais attendait avec anxiété la première occasion de le faire ; il croyait en tout ce qui est bon, tout ce qui est honorable, mais, en même temps, tenait singulièrement à me laisser voir qu’il savait se tirer d’affaire dans la vie en bon commis de banque à vingt-cinq shillings par semaine. Il faisait rimer « amours », « toujours » ; « lune », « brune », pieusement convaincu qu’on ne les avait jamais fait rimer auparavant. Les grands vides où boitait l’action de ses pièces, il les remplissait à la hâte d’excuses et de descriptions, et passait outre, si clairement persuadé de ce qu’il voulait faire qu’il le tenait pour déjà fait, et se tournait vers moi en quête d’applaudissements.

J’imagine que sa mère ne l’encourageait pas dans ses aspirations : et je sais que son bureau, à la maison, c’était le coin de son lavabo. Ce détail, il me l’apprit dès le début de notre connaissance, à l’époque où il mettait à sac les rayons de ma bibliothèque, et peu avant le jour où il