Page:Kipling - Contes Choisis, 1918.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
un fait

ferions peut-être mieux d’attendre notre arrivée à Londres ? dit-il.

Zuyland, entre temps, avait mis en morceaux son récit et l’avait jeté par-dessus bord le matin même de bonne heure. Ses motifs étaient les miens.

Dans le train, Keller se mit à revoir sa copie, et chaque fois qu’il regardait les petits champs bien tenus, les villas rouges et les remblais de la ligne, le crayon bleu sabrait sans pitié à travers les feuillets. Il semblait avoir dragué le dictionnaire en fait d’adjectifs. Je ne pouvais pas m’en rappeler un qu’il n’eût pas employé. Cependant, c’était un joueur de poker parfaitement équilibré, et il ne montrait jamais plus de cartes qu’il n’en fallait pour prendre la poule.

— Est-ce que vous n’allez pas lui laisser le moindre mugissement ? demandai-je avec sympathie. Rappelez-vous, tout passe aux États-Unis, depuis le bouton de culotte jusqu’au double dollar.

— C’est justement là le chiendent, dit Keller