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Un nègre des plus noirs, à la chemise blanche éblouissante et aux habits de marin flambant neufs, un chapeau reluisant comme son épingle de cravate, se retourna. Les voyages avaient appris à Nurkîd la façon de dépenser son argent et fait de lui un citoyen du monde.

— Hi ! Oui ! fit-il, quand on lui eut expliqué la situation. Moi commander lui… moricaud noir… quand je être sur le Saarbruck. Ce ’ieux Pambé, ce bon ’ieux Pambé. Sacré lascar. Vous montrer moi le chemin, mossié.

Et il le suivit jusque dans la chambre. Un coup d’œil révéla au chauffeur ce qui avait échappé au bon gentleman. Pambé était dans le dénuement absolu. Nurkîd enfonça ses mains dans ses poches, puis s’avança les poings fermés vers le malade, en criant :

— Eya, Pambé ! Eya ! Hi-ah ! Hollé ! Heh ! Prends ça ! prends ça ! Radouber toi vite, Pambé. Tu reconnaître, Pambé. Tu reconnaître moi. Dekho, jî ! Regarde ! Sacré gros fainéant de lascar !

De la main gauche Pambé lui fit signe de s’approcher. Sa droite restait sous l’oreiller. Nurkîd enleva son superbe chapeau et se pencha sur Pambé jusqu’à ce qu’il pût saisir enfin un léger murmure.

— Comme c’est beau ! disait le bon gentleman. En vérité, ces Orientaux s’aiment comme des enfants !

— Dégoise, dit Nurkîd, en se penchant sur Pambé d’encore plus près.

— C’est pour l’affaire… de ce poisson aux oignons, dit Pambé.