Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mariniers. Ce qu’était la foi, Pambé n’en avait pas le moindre souci ; mais il savait qu’en disant : « Chlé-tien indi-zène, mossié » à des hommes en longs habits noirs il avait chance d’en recevoir quelques sous ; et les brochures se revendaient à un petit bistrot qui débitait du shag[1] au dottel, poids encore moindre que le demi-screw, lui-même inférieur à la demi-once, et qui permet un commerce de détail très rémunérateur.

Mais au bout de huit mois Pambé tomba malade d’une pneumonie, contractée à la suite de ses longues stations sur place dans la boue ; et bien à contre-cœur il fut forcé de s’aliter dans sa chambre à deux shillings six pence, où il enrageait contre le destin.

Le bon gentleman s’asseyait parfois à son chevet, et se désolait de constater que Pambé parlait en des langues étrangères, au lieu d’écouter la lecture des bons livres, et semblait presque redevenu un païen enténébré. Mais un jour le son d’une voix qui parlait dans la rue près du bout du bassin le tira de sa demi-stupeur.

— Lui… mon ami, murmura Pambé. Appelez maintenant… appelez Nurkîd. Vite ! Dieu a envoyé lui !

« Il avait besoin de quelqu’un de sa race », se dit le bon gentleman. Et sortant, il appela de toutes ses forces :

— Nurkîd !

  1. Tabac très noir, très fort et très grossier.