Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gros livre de comptes débordait. Il me dit que Dieu avait créé peu d’Anglais de mon genre, et que j’étais l’incarnation de toutes les vertus humaines. Il m’offrit en tribut quelques-uns de ses bonbons, et en les acceptant je le reconnus pour mon feudataire et étendis sur lui le pan de ma protection.

Trois semaines plus tard je remarquai que le petit garçon avait maintenant l’habitude de cuisiner le repas de midi pour Naboth, qui commençait à prendre du ventre. Il avait taillé encore un peu plus dans le bosquet, et possédait un second et encore plus gras livre de comptes.

Onze semaines plus tard Naboth avait presque achevé de traverser le bosquet, et une cabane de roseaux avec un lit en dehors se dressait dans la petite oasis qu’il avait grignotée. Deux chiens et un bébé dormaient sur le lit. Je supposai donc que Naboth avait pris femme. Il me dit qu’il avait, par ma faveur, fait cette chose, et que j’étais plusieurs fois plus aimable que Krishna.

Six semaines et deux jours plus tard un mur de terre avait poussé sur le derrière de la cabane. Devant il y avait des volailles et cela sentait un peu. Le secrétaire municipal m’avertit que les eaux résiduelles de mon compound formaient une mare de purin sur la voie publique, et que je devais prendre des mesures pour la faire disparaître. Je parlai à Naboth. Il me dit que j’étais le seigneur suprême de ses soucis terrestres, et que le jardin était tout entier mon unique propriété, et il m’envoya encore quelques bonbons dans un torchon usagé.