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V


Il faudra du temps pour que les Khusru Kheyl oublient leur attaque de nuit sur les villages de la plaine. Le mullah leur avait promis une victoire facile et un butin illimité ; mais voilà-t-il pas que des troupiers de la Reine étaient positivement sortis de terre, pointant, taillant, et galopant sous les étoiles si bien que personne ne savait de quel côté se tourner, et que, craignant de s’être attiré sur le dos toute une armée, ils s’enfuirent jusqu’au dernier vers les montagnes. Dans la panique de cette déroute on vit beaucoup d’hommes succomber à des blessures infligées par le coutelas afghan qui frappe de bas en haut et encore plus sous les balles de carabines à longue portée. Alors on entendit crier à la trahison, et lorsqu’ils atteignirent leurs propres hauteurs fortifiées, ils avaient laissé en bas sur la plaine, avec quelque soixante morts et soixante blessés, toute leur confiance en le mullah aveugle. Ils poussèrent des clameurs, blasphémèrent, et discutèrent autour des feux, les femmes se lamentaient sur les disparus, et le mullah lançait des injures à ceux qui étaient revenus.

Alors Khoda Dad Khan, éloquent et nullement essoufflé, car il n’avait pas pris part au combat, profita de l’occasion et parla. Il fit ressortir que la tribu devait en tous points sa présente mésaventure au mullah aveugle qui avait menti de tous points