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II


La simplicité même de cette idée en faisait le charme. Quoi de plus facile pour un homme d’État que de gagner avec elle une réputation de perspicacité, d’originalité, et par-dessus tout de déférence aux désirs du peuple ? Il suffisait de nommer un fils du pays au gouvernement de ce pays ! Deux cents millions des plus aimants et reconnaissants individus subissant la domination de Sa Majesté loueraient ce beau geste, et leur louange durerait à jamais. Il était d’ailleurs indifférent à la louange comme au blâme, ainsi qu’il convenait au plus grand sans exception de tous les vice-rois. Son administration était fondée sur des principes, et les principes doivent être affirmés quand il sied et même quand il ne sied pas. Sa plume et sa langue avaient créé la nouvelle Inde, débordante de possibilités, — une nation entre toutes, à la voix forte et insistante, — qu’elle devait entièrement à lui-même. C’est pourquoi le plus grand sans exception de tous les vice-rois fit en avant un nouveau pas, qui l’amena à prendre conseil de ceux qui régulièrement devaient lui soumettre la nomination d’un successeur à Yardley-Orde. Il y avait un gentleman, membre du Service Civil du Bengale, qui avait conquis sa place et un grade universitaire assorti, en public et loyal concours avec les fils des Anglais. Il était cultivé, homme du monde, et si le bruit qui court dit vrai, il avait gouverné sagement et surtout sympathiquement un