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Gouvernement, voudraient vous induire en des guerres imbéciles, où vous ne manqueriez pas de périr, et ce seraient des étrangers qui mangeraient vos récoltes. Et il ne vous faut plus piller de caravanes, et il vous faut laisser vos armes au poste de police quand vous entrez chez nous ; comme ç’a été votre coutume, et mon ordre. Et Tallantire sahib sera avec vous, mais je ne sais qui va prendre ma place. Je vous dis maintenant la vérité, car je suis pour ainsi dire déjà mort, mes enfants… car vous avez beau être des hommes robustes, vous n’êtes que des enfants.

— Et tu es notre père et notre mère ! interrompit Khoda Dad Khan avec un juron. Qu’allons-nous faire, à présent qu’il n’y a plus personne pour parler en notre faveur, ou pour nous enseigner à nous conduire avec sagesse !

— Il vous reste Tallantire sahib. Adressez-vous à lui ; il connaît votre langage et votre cœur. Faites taire les jeunes hommes, écoutez les vieillards et obéissez. Khoda Dad Khan, prends mon anneau. La montre et la chaîne sont pour ton frère. Gardez ces objets en souvenir de moi, et je parlerai au Dieu quel qu’il soit que je rencontrerai et lui dirai que les Khusru Kheyl sont de braves gens. Vous avez la permission de vous retirer.

L’anneau passé à son doigt, Khoda Dad Khan étouffa un sanglot quand il ouït la formule bien connue qui mettait fin à une conversation. Son frère se retourna pour regarder de l’autre côté du fleuve. L’aurore se levait, et une moucheture