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j’occupe le bungalow. Restez et prenez patience. Tietjens m’a lâché. Allez-vous en faire autant ?

Je l’avais déjà vu se tirer d’une petite aventure ayant trait à une idole, qui m’avait mené aux portes d’une maison d’aliénés, et je ne tenais pas du tout à l’assister en de nouvelles expériences. C’était un homme à qui les désagréments arrivaient comme aux gens ordinaires les invitations à dîner.

En conséquence je lui exposai plus clairement encore que j’avais pour lui une immense amitié et que je serais toujours heureux de le voir pendant le jour, mais que je ne me souciais plus de coucher sous son toit. Cela se passait après dîner alors que Tietjens était sortie se coucher dans la véranda.

— Ma parole, cela ne m’étonne pas, dit Strickland, les yeux levés vers la toile de plafond. Regardez ça !

Entre la toile et la corniche du mur pendaient les queues de deux serpents. Elles projetaient de longues ombres sous la clarté de la lampe.

— Si vous avez peur des serpents, bien sûr…, dit Strickland. Je déteste et je crains les serpents, parce que si on regarde un serpent dans les yeux on voit qu’il en sait tant et plus sur la chute de l’homme, et qu’il ressent tout le mépris que ressentit le diable lorsque Adam fut expulsé de l’Éden. Outre quoi leur morsure est en général mortelle, et ils grimpent dans les jambes de pantalon.

— Vous devriez faire examiner votre chaume, dis-je. Passez-moi une canne à pêche et nous allons les faire tomber.