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des lieutenants connaissait la résidence de Georgie Porgie, mais ignorait son mariage. Il raconta donc à Georgina ce qu’il savait, et elle poursuivit allègrement sa route vers le nord dans un wagon de chemin de fer où elle trouva du repos pour ses pieds fatigués et de l’ombre pour sa petite tête poudreuse. Les marches à partir de la voie ferrée jusqu’à Sutrain dans les montagnes sont fatigantes, mais Georgina avait de l’argent, et les familles voyageant en charrette à bœufs lui vinrent en aide. Ce fut un voyage quasi miraculeux, et Georgina finissait par croire que les bons génies de la Birmanie veillaient sur elle. Le parcours est froid, en montagne, sur la route de Sutrain, et Georgina y prit un mauvais rhume. Mais au bout de tous ses maux elle voyait Georgie Porgie qui la prendrait dans ses bras et la caresserait, comme il le faisait dans l’ancien temps lorsque la palissade était fermée pour la nuit et qu’il avait félicité sa petite femme pour le repas du soir. Georgina allait de l’avant aussi vite qu’elle pouvait, et ses bons génies lui firent une dernière grâce.

Un Anglais l’arrêta dans le crépuscule, au détour de la route juste avant Sutrain, et s’écria :

— Juste ciel ! que faites-vous ici ?

C’était Gillis, celui qui avait été le collègue de Georgie Porgie en Birmanie Supérieure, et qui avait occupé dans la brousse le poste voisin de celui de Georgie Porgie. Comme il plaisait à Georgie Porgie, celui-ci avait obtenu de l’avoir dans ses bureaux à Sutrain.

— Je suis venue, dit avec simplicité Georgina. La