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respect, monsieur. Il n’y avait rien de joli sous cette voûte, excepté moi ! Elle était tout entière dans la pénombre, et quand les coolies partirent on ferma derrière nous un énorme portail noir, et une demi-compagnie de gros prêtres jaunes se mirent en devoir de haler les palanquins dans un lieu encore plus ténébreux… une vaste salle de pierre, pleine de piliers, de dieux, d’encens et d’un tas de trucs de ce genre. Le portail me dérangeait, car ma retraite étant coupée je voyais qu’il me faudrait aller de l’avant pour m’en sortir. À ce propos un bon prêtre fait un mauvais porteur de palanquin. Parbleu ! Ils faillirent me faire rendre mes boyaux en traînant le palanquin jusqu’au temple. Or quand nous fûmes dedans la disposition des forces était celle-ci. La maharanie de Gokral-Seetarun (c’est-à-dire moi) se trouvait par une grâce de la Providence sur l’extrême flanc gauche dans l’ombre d’un pilier sculpté en têtes d’éléphants. Le restant des palanquins était disposé en un large demi-cercle faisant face à une déesse très grande et très grosse, la plus étonnante dont j’aie jamais rêvé. Sa tête se perdait dans les ténèbres supérieures, et ses pieds ressortaient à la lumière d’un petit feu de beurre fondu qu’un prêtre alimentait en puisant à un plat de beurre. Alors, derrière nous dans l’ombre, quelqu’un se mit à chanter et à jouer sur quelque chose. C’était une drôle de chanson, qui fit se hérisser le poil de ma nuque. Puis les portes de tous les palanquins glissèrent sur leurs coulisses, et les femmes s’en échappèrent. Je vis alors ce que je ne reverrai jamais plus. C’était plus