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était le plus royal équipage. On lui faisait place, et parbleu ces hommes en mousseline rose, mes porteurs, braillaient : « Place pour la maharanie de Gokral-Seetarun. » Connaissez-vous cette dame, monsieur ?

— Oui, répondis-je. C’est une très estimable vieille reine des États de l’Inde centrale, et on dit qu’elle est obèse. Par quel mystère pouvait-elle être à Bénarès sans que toute la ville ait reconnu son palanquin ?

— C’était la sempiternelle bêtise des négros. Après que les hommes de Dearsley l’eurent planté là et se furent enfuis, ils ont vu le palanquin gisant solitaire et abandonné, et à cause de sa beauté ils lui ont donné le meilleur nom qui leur soit venu à l’esprit. Avec toute raison d’ailleurs. Car à ce que nous savons la vieille dame voyageait incognito… comme moi. Je suis heureux d’apprendre qu’elle est obèse. Moi-même je n’étais pas un poids-léger, et mes hommes furent rudement aises de me déposer sous une grosse voûte ornée à profusion des sculptures et bas-reliefs les plus inconvenants que j’aie jamais vus. Parbleu ! elles me firent rougir… comme une maharanie.

— Le temple de la Prithi-Devi, murmurai-je, au souvenir des horreurs monstrueuses de cette voûte sculptée, à Bénarès.

— Une sapristi de vie de diables[1], oui, sauf votre

  1. À-peu-près qui rend plus ou moins le texte : Pretty Devilskins.