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échangeai des compliments avec Dearsley. Je dois l’avoir injurié salement, car quand je suis comme ça je sais me servir de ma langue. Je me rappelle tout juste lui avoir dit que sa bouche s’ouvrait de travers comme une gueule de raie, et c’était vrai après que Learoyd l’eut manipulée. Je me rappelle nettement qu’il n’en prit aucune offense, mais me donna à boire un grand coup de bière. Ce fut cette bière qui me joua le tour, car je me renfilai dans le palanquin, en me marchant sur l’oreille droite avec le pied gauche, et puis je dormis comme un mort. Une fois je me réveillai à moitié, et parbleu ça faisait dans ma tête un bruit effroyable… ça grondait et battait et trépidait d’une façon toute nouvelle pour moi. « Sainte Mère de Grâce, que je me dis, quel accordéon je vais avoir sur les épaules quand je me réveillerai ! » Et là-dessus je me roule en boule pour me rendormir avant que ça ne me prenne. Les gars, ce bruit ne provenait pas de la boisson, c’était le roulement d’un train !

Suivit un silence impressionnant.

— Oui, il m’avait mis sur un train… mis moi, palanquin et tout, avec six noirs scélérats d’entre ses coolies qui étaient dans son infâme confidence, sur la plate-forme d’un truc à ballast, et nous roulions et nous déboulions vers Bénarès. Heureux encore que je ne me sois pas réveillé alors et que je ne me sois pas montré aux coolies. Comme je vous le disais je dormis la plus grande partie d’un jour et d’une nuit. Mais rappelez-vous que ce Dearsley m’avait emballé pour Bénarès sur un de ses trains de