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bateur ? Dieu nous en soit témoin, il y avait un palanquin, et maintenant il n’y a plus de palanquin ; et si on envoie la police ici pour faire une enquête, nous ne pourrons dire qu’une chose, c’est qu’il n’y a plus de palanquin. Pourquoi y aurait-il un palanquin près de ces chantiers ? Nous sommes de pauvres gens, et nous ne savons rien.

Telle est la très simple version de la très simple histoire concernant le raid sur Dearsley. C’est de la bouche des coolies que je la tiens. Dearsley lui-même n’était pas en état de rien dire, et Mulvaney gardait un silence opaque, qu’il n’interrompait de temps à autre que pour se pourlécher les lèvres. Il avait vu un combat si splendide qu’il en avait perdu jusqu’à la faculté de parler. Je respectai cette réserve jusqu’au moment où, trois jours après l’affaire, je découvris, dans une écurie désaffectée de mon logement un palanquin d’une splendeur inégalable… évidemment autrefois la litière d’une reine. La perche au moyen de laquelle il se balançait entre les épaules des porteurs était enrichie d’un papier-mâché décoré de Cachemire. Les coussins d’épaule étaient de soie jaune. Sur les panneaux en cèdre laqué de la litière elle-même, resplendissaient les amours des dieux et des déesses du panthéon hindou. Les portes à coulisses en cèdre étaient pourvues de fuseaux en émail translucide de Jaypore et glissaient dans des rainures ferrées d’argent. Les coussins étaient en brocart de soie de Delhi, et les ors raidissaient les rideaux qui cachaient jadis à tous les regards la beauté du palais royal. Un examen