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Telle fut la dernière phrase prononcée en public par le cipaye Suket Singh.

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Au jour, le matin de très bonne heure, Madu en arrivant vit le bûcher. Il poussa des cris de détresse, et courut vite rattraper le gendarme qui faisait sa tournée dans le district.

— Ce manant-là m’a gâché pour quatre roupies de bois à charbon, lui dit Madu tout haletant. Il a de plus tué ma femme, et il a laissé une lettre que je ne sais pas lire, liée à une branche de pin.

De l’écriture raide et artificielle qu’on enseigne dans les écoles de régiment, le cipaye Suket Singh avait écrit :


« S’il reste quelque chose de nous, que l’on nous brûle ensemble, car nous avons fait les prières nécessaires. Nous avons également maudit Madu, et Malak frère d’Athira — des méchants tous les deux. Présentez mes hommages au colonel sahib bahadur. »


Le gendarme examina longuement et minutieusement le lit nuptial de cendres rouges et blanches sur lequel reposait, d’un noir mat, le canon du fusil du forestier.

Distraitement il donna un coup de son talon à éperon dans une bûche à demi consumée, et les étincelles pétillantes s’envolèrent au ciel.

— Des gens bien singuliers, dit le gendarme.

Fi… ou, fiou, fiou, ouiou, firent les petites flammes.