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— Hah ! fit Suket Singh. Où est la route de Kodru, et où est la maison forestière ?…

— Je l’ai payé quarante roupies il y a douze ans, répondit le forestier à Suket Singh en lui tendant le fusil.

— En voilà vingt, dit Suket Singh, et tu devras me donner les meilleures cartouches.

— C’est très bon d’être en vie, disait Athira en flairant avidement l’odeur du terreau de pin.

Et ils attendirent que la nuit fût tombée sur Kodru et sur le Donga Pa. Madu avait empilé sur le contrefort dominant sa cabane la meule de bois sec destinée à faire du charbon le lendemain.

— Madu a eu la politesse de nous épargner cette peine, dit Suket Sing, en butant contre la meule, qui avait douze pieds de côté et quatre de haut. Il nous faut attendre que la lune se lève.

Quand la lune se leva, Athira s’agenouilla sur la meule.

— Si au moins c’était un snider du gouvernement, dit à regret Suket Singh en louchant sur le fusil du forestier, dont le canon était renforcé de fil de fer.

— Fais vite, dit Athira.

Et Suket Singh fit vite ; et Athira perdit à jamais sa vivacité. Puis il alluma la meule aux quatre coins, monta dessus, et rechargea l’arme.

Les petites flammes commencèrent à pointer entre les grosses bûches au-dessus des fagots.

— Le gouvernement devrait nous enseigner à presser la détente avec nos doigts de pied, dit sarcastiquement Suket Singh à la lune.