Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui croient aux malédictions meurent des malédictions.

Suket Singh, lui aussi, avait peur parce qu’il aimait Athira mieux que sa propre vie. Deux mois passèrent, et le frère d’Athira vint se poster en dehors du quartier régimentaire et brailla :

— Ha ! ha ! Tu es en train de te flétrir. Reviens.

— Je vais revenir, dit Athira.

— Dis plutôt que nous allons revenir, dit Suket Singh.

— Ouais ; mais quand ? dit le frère d’Athira.

— Un jour, le matin de très bonne heure, dit Suket Singh.

Et il s’en alla demander une semaine de permission au colonel sahib bahadur.

— Je me flétris comme un arbre écorcé au printemps, se lamentait Athira.

— Tu iras mieux bientôt, dit Suket Singh.

Et il lui révéla son intention, et tous deux se mirent à rire tout bas ensemble, car ils s’aimaient. Mais à partir de cette heure Athira commença d’aller mieux.

Ils s’en allèrent à eux deux, voyageant par le train en troisième classe comme l’autorisaient les règlements, et puis en charrette jusqu’aux montagnes basses, et de là à pied jusqu’aux montagnes hautes.

Athira flairait l’odeur des pins de ses montagnes, les humides montagnes de l’Himalaya.

— C’est bon d’être en vie, dit Athira.