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LE SOLEIL ET LES ROSES


Je te conjure, ô Lune au-dessus des villas,
Lune que le miroir des vasques répercute
Et vers qui, doucement blotti sous les lilas,
Le rossignol soupire avec sa voix de flûte,
Je te conjure, ô Lune au-dessus des villas !

Je te conjure, ô Lune au-dessus des jardins,
O Reine des parfums dont l’ombre bleue affole
Phalènes et bombyx et les autres lutins,
Et les darde, vibrants, de corolle en corolle,
Je te conjure, ô Lune au-dessus des jardins !

Par toute la douceur éparse en ce soir bleu,
Par les touches d’ivoire en pleurs sous des mains blanches,
Par l’arôme subtil des verveines de feu
Et les serments d’amour échangés sous les branches,
Par toute la douceur éparse en ce soir bleu !
 
Je te conjure, ô Lune au-dessus de mon front,
D’éteindre en moi la sourde et dévorante flamme
Ou de la faire enfin, sous un charme fécond,
Brûler en verbe d’or aux lèvres de mon âme,
O Lune roséeuse au-dessus de mon front !


1895.