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L’AZUR ET LES LILAS


Oh ! je n’ignore pas, malgré cette douceur
Insinuante qui circule dans mes veines,
Quels lendemains amers attendent le rêveur
Qui se fie aux conseils des sources et des chênes.
 
Mais qu’y faire ! Mon cœur, encor qu’il se propose
Le rythme pondéré d’une prudente loi,
Se plaît à l’onctueux et dangereux émoi
Comme un insecte à l’ombre odorante des roses…
 
Mon Dieu, voyez ! Déjà je me sens amollir,
Le printemps m’a jeté son tendre sortilège,
Et voici que mon cœur est prêt à défaillir
À cause du sous-bois aux étoiles de neige…

Ah ! s’il se prend à battre à grands coups pour si peu,
Que sera-ce en avril, quand s’ouvrent les pervenches,
Et que sera-ce en mai, lorsque, sur le ciel bleu,
Mousseront les vergers d’écume rose et blanche ?…

Sûrement, l’aventure est éparse dans l’air !
Je suis comme un pommier tordu dans la rosée
Qui va bientôt ouvrir ses fleurs couleur de chair,
Toutes et follement, d’une seule poussée !…