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L’ÂME DES LILAS


Je gravis lentement la pente, en m’épongeant.
Un ruisseau dégringole en long ruban d’argent.
Il flotte un frais parfum d’herbe humide et de mousse.
Un coq bruyant poursuit une poule qui glousse.
Un moineau file, ayant au bec un brin de foin.
Puis le silence est tel que l’on entend au loin,
Du côté du village aux toitures vermeilles,
Le sourd bourdonnement continu des abeilles…
(Serait-ce que déjà les saules sont en fleur ?)
 
Voici le bois. — On est tout pâle de stupeur,
À cause du silence ardent et de la force
Mystérieuse qui soulève les écorces
Et çà et là déjà pointillé les buissons
De chatons duveteux et de gluants bourgeons.
Partout, sous le réseau violacé des aulnes,
Le bois est enneigé de fraîches anémones ;
Le taillis baigne dans un fauve clair-obscur ;
La fuite d’un lézard crépite dans l’air pur ;
Là-bas, d’un coudrier qui tressaille, s’élève
Dans un rai de soleil étendu comme un glaive,
Un nuage tremblant de pollen mordoré…

Et voici que soudain dans mon cœur, enivré
D’une mystérieuse et divine allégresse,