Page:Kinon - L’Âme des saisons, 1909.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
L'AME DES SAISONS


O mon âme, oublions les choses de la vie,
Et même, s’il se peut, bénissons le passé
Qui nous a fait souffrir, mais qui nous a laissé
La candeur et la noble faim, — inassouvie !
 
La Tristesse adorable est là qui tend les bras
— La Tristesse très belle et qui ne trompe pas ! —
Celle qui pleure au fond de la langueur des choses
Et qui descend du ciel en effeuillant des roses...

O mon âme, sois triste et ne te souviens plus !
Vois les convolvulus et les aristoloches
Baigner dans la rosée... Ecoute au loin les cloches
Argentines mouiller de pleurs les angelus...

O mon âme, sois triste et t’apaisant, adore
La Main qui t’a menée en cette bonne aurore,
A travers la souffrance et les sombres émois,
A travers les frissons et les fièvres parfois,

Pour qu’ayant bu ce fiel et mangé cette cendre,
Tu puisses mieux goûter la tristesse des bois
Et, tel un pur jet d’eau, sur les âmes répandre
Un chant mélodieux, mélancolique et tendre.