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les cheveux d’or de sa petite-fille agenouillée à ses pieds :

— Tu es mariée depuis un an, Louisette, et tu aimes ton mari ; donc à tes yeux Ernestine est une grande coupable.

Écoute-moi, fit-elle après un silence, je vais te raconter une histoire qui sera en même temps une confession.

J’ai été jeune et jolie comme toi ; j’avais vingt ans et on m’appelait la « divine marquise ; » ton grand’père était officier de Napoléon, c’est-à-dire qu’il courait de bataille en bataille et m’aimait lorsque la victoire lui en laissait le loisir.

J’étais très entourée, j’avais mes soigneux, mes flatteurs et mes auditeurs ; on m’assiégeait de vers langoureux, de lettres brûlantes, ma porte était encombrée de soupirants jeunes et vieux ; mais je restais insensible ; ce n’est pas que j’adorasse mon mari, je le connaissais à peine, mais tous mes amoureux me paraissaient taillés sur le même modèle ; ils semblaient se passer à tour de rôle l’habit bleu, le pantalon de nankin, les bas de soie et le