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écrivain du premier mérite et aussi comme un des plus grands orateurs de son temps. Il a laissé des poésies fort estimées jadis et divers ouvrages en prose : le Curial, le Quadrilogue, l’histoire de Charles VII, dont il fut le secrétaire.

Il lui arriva une aventure qui a rendu son nom plus célèbre que ses livres même. Un jour, en sortant de la messe, Marguerite d’Écosse, femme du dauphin qui devait devenir Louis XI, traversant une salle du palais avec une grande suite de dames et de grands seigneurs, aperçut Alain Chartier endormi sur un banc. Elle s’approcha de lui et « l’alla baiser en la bouche, » comme dit un vieil auteur.

Et comme les seigneurs et les dames qui suivaient la dauphine s’émerveillaient de cette action, d’autant plus qu’à dire vrai la nature avait enchâssé en Alain Chartier une belle âme dans un corps fort laid, la princesse se retournant, leur dit :

« Sachez qu’il ne vous faut estonner de ce mystère, d’autant que je n’entends point avoir baisé l’homme, mais la bouche de laquelle sont issus tant de mots et sentences dorez. »

Ce qui manque au tableau de M. Charles Comte est précisément ce qui fait le charme de ce récit ; la naïveté poétique. L’anecdote d’Alain Char-