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de la vie souffrante en face de la mort amie et qui apporte la délivrance, n’est-ce pas encore une prière, un hymne de reconnaissance. C’est si riant et si beau, la vie !

La scène se passe au fond d’un chemin creux, on ne voit qu’un bout de paysage au haut de la berge ; mais le paysage est si souriant, les derniers rayons du soleil couchant colorent si gaiement le feuillage jauni par l’automne, que l’on comprend ce regret de la vie même, au cœur du vieillard qui a terminé sa journée, son année, sa vie de labeurs et de misère. La Mort, vue de dos, est enveloppée dans une sorte de robe de laine blanche qui empêche de voir les détails horribles du squelette ; le vieillard est admirable de dessin. Sous ses habits grossiers et résistants on sent le corps. Il y a des bras sous ces manches, des jambes dans ce pantalon usé. Si M. Millet ne peint pas le nu, ce n’est certes pas par ignorance ; il est capable plus que personne de mettre une figure sur ses pieds. Ce tableau en un mot brille par toutes les qualités qui révèlent le véritable artiste original et créateur : sentiment profond, dessin plein de grandeur, exécution sagement subordonnée à la pensée, couleur harmonieuse et parfaitement d’accord avec le sujet traité par le