Page:Kindt - Impressions d une femme au salon de 1859.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne se perpétue pas dans les nations ; qu’il n’y a pas de tradition, et par conséquent pas de progrès, puisque le progrès c’est la vie aidée de la tradition, la force vivante ajoutée à la force des devanciers ; que les cités ne se transmettent pas leurs conquêtes intellectuelles comme de glorieux héritages ; qu’il n’y a pas d’art, enfin, puisque la négation de l’art peut remplacer l’art, puisque l’on trouve des admirateurs, pour le néant mis à la place de l’invention, à la place de l’ordre, à la place de la couleur.

Mais si je hais le réalisme, vulgarité doublée d’impuissance, je me garde bien de confondre avec le réalisme, cette étude approfondie de l’homme pauvre, souffrant, digne d’amour et de pitiés de l’homme grandi par la résignation, par le travail, par la souffrance même, étude passionnée, douloureuse, généreuse et féconde à laquelle se livre M. Millet depuis bien des années, malgré la colère des réalistes qui le répudient et malgré les dédains des académiques qui ne le comprennent pas.

Dans les tableaux de Millet, je trouve ce qui se trouve si rarement dans la plupart des tableaux modernes, une pensée ! Les autres peintres ; peignent des costumes, lui peint des hommes. Tous