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Ceci va paraître paradoxal, mais je serai plus hardie pour le critiquer. Critiquer, ce n’est rien ; le savetier a fait une critique juste au tableau d’Apelles ; mais faire l’éloge, c’est bien autre chose.

Faire l’éloge d’un homme de génie, le comprendre, s’enthousiasmer de ses œuvres, c’est se rapprocher de lui ; quand on critique, on est à l’aise ; quand on fait l’éloge, il faut être digne de celui qu’on loue.

Heureusement, je suis une femme, je dis mon impression, mais quelle que soit cette impression, on sera indulgent si l’expression me manque.

Delacroix a été sans cesse le plus discuté de nos peintres, il a été en butte aux attaques les plus injustes et les plus absurdes, et, il faut bien le dire aussi, aux éloges les plus compromettants.

Delacroix brave tout, résiste à tout ; il affronte la fureur de la critique de parti, il défie ses ennemis et ses adversaires, il se sent grand parmi les grands, fort parmi les forts. Les expositions, il ne les craint pas, il les désire ; c’est le champion toujours vainqueur dans l’arène où tous les coups lui sont destinés.

Oui, Eugène Delacroix est plus grand que