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leur… Pouah ! on en est écœuré, il semble qu’on se noie dans la confiture. Quand on a vu cela, on éprouve le besoin de voir du grossier, du laid, du commun. Vite, qu’on aille me chercher la Baigneuse de M. Courbet ; je voudrais mordre dans une gousse d’ail ; si je n’étais pas femme je jurerais pendant une demi-heure.

L’Amour-blessé, de M. Bouguereau, pourrait servir de correctif à l’Amour en visite. Il nous paraît plus sain, mieux portant, mais faible encore ; la forme en est charmante, l’expression douce. C’est encore une variation sur le motif inépuisable du petit dieu malin. Tout en voulant éviter les comparaisons, je ne puis m’empêcher de penser à Prudhon, le poëte-peintre des amours : Prudhon laisse dans l’esprit un charme ineffable, une amoureuse rêverie, une tendresse inquiète et vague que l’on ne peut définir. Ses amours descendent de l’Olympe avec leur pureté idéale ; ils sont animés du souffle des dieux ; ils viennent de recevoir les baisers des déesses. Ceux dont nous avons parlé sont des Cupidons bouffis, qui n’ont jamais quitté la terre.

M. Bouguereau a encore un tableau au Salon : le Jour des Morts, sujet moderne. Cette toile, nous paraît préférable sous le rapport de l’exécution,