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par Rousseau et par Millet, les deux hôtes de Barbison. Mais que dis-je ? Rousseau n’a jamais introduit ni nymphe ni sylvain dans sa peinture. Il n’embarrasse jamais de vieux souvenirs mythologiques le culte qu’il ressent pour les beautés immortelles des champs. Il mène à bien son amour sans l’expérience des anciens poëtes ; il ne demande pas à Virgile comment il faut dire aux arbres qu’on les aime, il ne mêle jamais des idées sans intérêt à des idées charmantes et sacrées, et il se passe de Palès dans les asiles verts qu’il nous montre.

Il est vrai, il est sincère, mais il ne se contente pas d’être peintre, coloriste, portraitiste, de la nature : il peint encore dans la nature la vie dont Dieu l’a animée ; il y met encore cette vie qui va de notre âme à tous les objets du monde. Dans ses tableaux les plus modestes, dans ses sites les plus humbles, quelque chose vous révèle l’artiste qui garde en ses sentiments les plus tendres un sentiment viril et fier. On voudrait vivre, on voudrait aimer dans ces paysages, et en même temps on voudrait y mourir ; on aimerait à être enterré sous ses arbres. Pourquoi ? D’où vous vient cette douce pensée de mort à la vue de ces paysages vivants ? c’est que, on le comprend, sous le luxe