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J’aime ce respect des grands artistes, ce culte des gloires nationales. Ces expositions glorieuses me font penser au Tasse, qui parut mort et couronné de lauriers sur le char glorieux du triomphe, au milieu des cris d’admiration enthousiaste et des lamentations du peuple.

Le talent d’Ary Scheffer était, si je puis m’exprimer ainsi, un talent-femme. C’est donc un talent qui m’est très-sympathique, qui me touche, qui m’émeut, qui me fait rêver. Cependant, faut-il le dire, comme penseur, il y a dans Scheffer quelque chose d’incomplet, que je vais essayer d’expliquer. Comme peintre, l’exécution est chez lui d’une débilité relative, qui n’est pas sans charme, que l’on n’aimerait pas chez un autre peintre et que l’on aime chez lui, parce qu’elle est bien d’accord avec la nature de son esprit poétique et sentimental.

De tous les tableaux qui figurent à l’exposition, le seul qui produise sur moi un effet complet, le seul qui me plaise tout à fait, sans restriction, le tableau sans défauts, le chef-d’œuvre, le résumé exquis de la poésie d’Ary Scheffer, c’est la Marguerite au rouet : on dit la Marguerite au rouet comme on dit la Vierge à la chaise !

Du reste, permettez-moi de vous dire que rien