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la résistance ne l’était pas encore. Je venais tous les jeudis de Trébinot chez mon oncle, dont la maison, située à l’extrémité Ouest du bourg du Quilio, était entre cour et jardin. Un jour, je venais d’entrer dans la cour, devant la maison ; un homme que je ne reconnus pas, la tête couverte d’un chapeau de paysan, à larges bords, portant un fusil en bandoulière, ayant à la ceinture des pistolets à canons de cuivre, que j’ai conservés, pénétra par une porte du côté levant de cette cour, la traversa en passant devant moi, et me dit, en se dirigeant vers un tas de fagots : « Jetez des fagots sur moi, »[sic] ce que je fis sans reconnaître mon père et sans me rendre compte de cet acte insolite[1].

J’entrai ensuite chez mon oncle, qui, m’aimant beaucoup, m’embrassa avec effusion. Cet oncle n’était pas marié, il avait la goutte ce jour-là et ne pouvait quitter son fauteuil : on me débarrassa de mon petit bagage ; on me servit des fruits et du lait ; j’oubliai la scène étrange de l’inconnu sous les fagots et n’en dis pas un mot.

Une demi-heure environ après, je fus cruellement

  1. La famille Ollitrault de Kerivollan, qui habite encore Lanégo, au Quilio, se rappelle très bien ce fait, dont elle m’a parlé plusieurs fois, l’ayant entendu raconter par les siens. J’avais alors neuf à dix ans.