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COMBAT D’UN GÉANT

— Si moi !

La voix qui répondit, quoique ferme, semblait si gentille et si douce après le rugissement enroué du Tartare que celui-ci regarda autour de lui avec stupéfaction. Mais il fut bien plus surpris encore, lorsqu’il vit son ennemi.

Un jeune homme se tenait, droit et fier, devant l’armée russe ; sa figure calme et vermeille le faisait paraître plus jeune qu’il ne l’était en réalité. Il n’avait à sa ceinture qu’une courte épée à large lame, et sa figure, quoique vigoureuse et bien faite, était si petite qu’il semblait un enfant devant ce hideux sauvage.

Les Tartares en furent étonnés et le géant lui-même n’en pouvait croire ses yeux. Un instant, il se troubla lorsqu’il vit cet enfant avancer sans crainte vers lui, car les matamores sont toujours enclins à être effrayés des gens qui n’ont pas peur d’eux ; mais ce trouble se changea aussitôt en colère.

— Penses-tu lutter avec moi, toi petit ? grogna-t-il ; je vais t’engloutir en une bouchée !

— Mon père, répondit le jeune russe, tranquillement, avait une vache qui mangeait, qui mangeait… et sais-tu ce qui arriva ?… Elle creva !

Cette plaisanterie, saluée par un rire immense, exaspéra le bouillant Tartare. Il fit tournoyer sa massue en grognant de fureur et s’élança sur son ennemi.

Mille yeux avides suivaient les mouvements des combattants. Ceux-ci étaient partout à la fois, soulevant des nuages de poussière à travers lesquels la massue du géant fendait l’air et retombait comme un fléau. Le Russe avait peu d’espoir dans un combat aussi inégal. Que pouvait faire sa courte épée contre l’arme immense qui l’écraserait avant qu’il pût seulement lever le bras ? Et quelle résistance offrirait sa légère armure contre ces coups dont l’un serait capable de fracasser une roche solide ?

Le jeune garçon, jamais ne reculait. Il évitait agilement les coups que le géant (qui évidemment se proposait de l’écraser tout d’une fois) faisait pleuvoir sur lui drûs comme la grêle, et il guettait le moment propice pour attaquer et tuer le Tartare. Ah ! si l’élan de cette massue lui faisait faire le plus petit faux pas !… La figure du jeune homme était si courageuse, si confiante que les Russes, un instant déprimés, reprirent espoir.

— Milodetz Féodor ! (Bravo, Théodore), crièrent-ils.

À ce moment, le pied du Tartare glissa et Féodor s’élança comme