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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

CHAPITRE I.

Combat d’un Géant

— Où est le chien russe qui oserait faire face à un guerrier tartare ? Qu’il vienne à ma rencontre !

Ainsi parlait un affreux géant à mi-chemin des deux armées prêtes au combat dans la grande plaine qui s’étend le long des rives du Dniéper. Les Tartares avaient envahi le sud-ouest de la Russie et les Russes s’étaient mis en campagne pour les refouler.

Si ces deux armées revoyaient, à l’heure actuelle, leur vieux champ de bataille, elles y trouveraient quelques curieux changements. Le long du fleuve silencieux où leurs flèches retombaient faisant, des épais lits de roseaux, s’envoler en criant les oiseaux sauvages, des bâteaux à vapeur accostent maintenant, haletant et ronflant, à un large débarcadère dominé par un immense hôtel. Où les Tartares avaient dressé leur camp on entend, sans cesse, le sifflement des trains qui passent, rapides, sur un des plus beaux ponts de la Russie. Sur les collines escarpées qui surplombent les rives du fleuve, on ne voyait alors que quelques huttes en bois adossées à un mur de terre ; aujourd’hui ce ne sont que de blanches tours, des coupoles d’or, des dômes verts, de hauts piliers, des jardins à terrasses, des maisons joliment peintes, enfin toute la splendeur de la grande cité de Kief.

Mais tout cela était encore bien éloigné lorsque le Tartare jeta son défi. Les Saxons et les Danois s’entr’égorgeaient en Angleterre ; l’Amérique n’était pas découverte encore ; Constantinople appartenait aux Grecs ; les Turcs se battaient en plein cœur de l’Asie où ils pillaient et saccageaient tout. La Russie (connue seulement depuis environ cent ans) était peuplée d’une race de guerriers féroces —